Ma Diagonale de Fous 2006

et après la ligne d'arrivée ....

Ca y est je l'ai fait ! Non je ne regarderai pas au ciel car je ne suis pas croyant, mais quel soulagement
d'être en paix avec moi même en ayant tenu mon engagement à la mémoire d'Eric. Je ne sais d'ailleurs
pas si c'est ce souvenir, si c'est la déception de voir mon ami Abdel propre comme un sou neuf alors
que je sais qu'il a dû abandonner son rêve de terminer la Diagonale pour avoir voulu porter secours
à 2 concurrents, si c'est l'impression de n'avoir pas réalisé un exploit mais simplement ce pourquoi
je m'étais préparé, ou si c'est tout simplement la fatigue mais je suis heureux sans pour autant avoir
envie d'exhulter. Finalement c'est peut-être un peu de tout ça qui se mélange dans ma tête. Même
ma femme et mes enfants semblent heureux que je sois là, mais je n'ai pas le sentiment qu'ils aient
l'air surpris. En fait en quelques minutes je sais ce que j'ai : j'ai trop d'idées dans la tête et je ne sais
plus par quoi commencer : j'ai envie d'arroser notre aventure avec Christian, j'ai envie de consoler
Abdel, j'ai envie d'embrasser ma famille, j'ai envie d'appeler tous les copains en métropole, j'ai envie
de dire à Fred tout ce qu'il m'a apporté sans qu'il le sache, j'ai envie de champagne (si si), j'ai envie
de m'isoler pour penser à Riri, j'ai envie de me faire soigner, j'ai envie d'ombre car je crâme au soleil,
j'ai envie de continuer car cette Diagonale qui ne m'a pas abattu m'a rendu plus fort, j'ai envie d'une
douche, j'ai envie d'appeler Anne-Cécile Martinot (Groupe Monceau) pour lui dire que j'ai réussi tellement
j'ai eu peur un moment de ne pas y arriver, j'ai envie d'écrire pour ne rien oublier, ... Bref j'ai beaucoup
trop d'idées et d'envies pour tout mener à bien. On se réhydrate avec Christian en trinquant au coca
(on aurait bien pris autre chose mais il n'y avait que ça). En fait nos regards en disent beaucoup plus que
nos mots tellement nous sommes heureux de ce que nous avons vécu et que nous avons eu la chance
de partager ensemble. Certainement d'ailleurs que personne ne saura, malgré tous nos récits, ce que nous
avons réellement ressenti ? Je passe de l'autre côté de la barrière après avoir satisfait aux obligatoires
photos familiales. Je suis pris d'un étrange sentiment de fatigue importante, d'inconfort face au soleil qui nous
brûle et de bien être. Je m'allonge sur le gazon pour une petite séance de visionnage rapide de ma course
avec tous les temps forts. 30 mn plus tard, le soleil est tout bonnement insoutenable et de toute façon
il ne faut pas que je reste allongé là, alors je me relève. Je suis extrêmement surpris de n'avoir même pas
envie de dormir. En fait je revis tellement intensément tous mes souvenirs de ce raid que je n'ai pas le
temps de penser à dormir. Je pars donc pour la douche à l'autre bout du terrain et au passage je vais
signer et inscrire mon temps sur l'immense bâche sur laquelle figure la tête des 2400 raideurs du départ
avec leur numéro de dossard. C'est parti ensuite pour la douche. Je rentre dans le vestiaire avec mon fils,
qui m'aide à me déshabiller car en refroidissant je deviens de plus en plus raide. Il y a d'autres gars dénudés
dans le vestiaires mais bizarrement personne ne va se doucher. Je commence à penser "quelles chochottes
ceux là, tout ça parce que la douche est certainement froide comme l'année dernière". Puis une femme entre
dans le vestiaire. C'est bizarre, mais pas de quoi me gêner une demie seconde. Je poursuis donc mon épeluchage
avec une douloureuse séance d'épilation pour enlever tous mes straps. C'est bizarre elle nous regarde d'un sale
oeil cette femme là. Un gars entre dans le vestiaire et dis aux 2 qui attendent à l'intérieur "eh il y a des douches
juste en face", les gars se lèvent et filent avec tout leur barda. Et alors que je poursuis mon épilation, une autre
femme sort de la douche détrempée et enloppée de la poitrine aux genoux dans sa serviette. Je suis seul avec 2
femmes dans le vestiaire. Je me dis alors "j'adore la Réunion, mais alors là c'est top, les nanas ici ne sont ni coinçées
ni froussardes. Parce que une d'accord mais deux ...". A peine fini ma réflexion mon cerveau lent est pris d'un doute.
Je me lève et ouvre la porte, sur laquelle je lis "Femmes". Oups ! Je suis allé machinalement vers les vestiaires où
je m'étais douché l'année dernière et ne voyant que des gars je suis rentré par la porte à moitié ouverte sans
même lire. Evidemment sans prendre le temps de me ré-habiller Antoine et moi prenons toutes mes affaires étalées
de partout pour aller voir ce qui se passe en face dans le vestiaire des hommes. La population masculine est plus
nombreuses et les railleries indiquent sans aucun doute que je suis au bon endroit. Je prends enfin ma douche.
Elle est comme l'année dernière : gelée. Peu importe, je suis heureux d'être enfin dessous pour enlever la
crasse qui me laisse à penser que j'ai une peau d'éléphant qui a poussé durant le Grand Raid. Quelques
coureurs se plaignent que l'eau soit froide, mais cette année j'étais mentalement préparé à ça, du coup
je prends un grand plaisir à me décrotter et me délasser sous l'eau. Antoine s'impatiente alors je sors, et
je retrouve Christian qui m'attend alors que je ne l'avais même pas vu avant. Allez on se retrouve dans une
heure pour boire une Dodo ensemble. Je sors pour aller faire la queue au massage, mon genou est évidemment
toujours douloureux et ma cheville droite enfle à vue d'oeil. Je ne peux d'ailleurs plus du tout bouger le pied.
Ne connaissant pas la gravité de mes blessures j'hésite entre rechercher un médecin ou aller voir les kinés.
Je reste là tant par conviction qu'ils pourront me soigner ça que par fainéantise de trouver de trouver un
médecin quelque part sur le site, probablement à l'autre bout du stade. Je m'assoie sur le banc avec le soleil
qui me flambe le dos. Je sens inexorablement ma tête, devenue trop lourde, tomber. Je tente de résister au
sommeil qui m'envahi, mais je rechute dans les minutes qui suivent. Arrive enfin mon tour, toute la famille que
j'avais perdu de vue, surgit de je ne sais où pour suivre le travail du kiné de près. C'est amusant car il y a
plein de kinés et je retombe sur le même que l'année dernière. C'est super il fait du bon boulot et est
extrêmement sympa même si les autres sont probablement pareil, cela me rassure. Comme l'année
dernière on discute, comme l'année dernière on rigole, comme l'année dernière on ricane de la table
d'à côté sur laquelle un concurrent, qui se fait masser, dort. Les choses sérieuses commencent quand
il voit mon genou et me demande ce que je ressens. Il semble tout de suite comprendre et me prévient
de bien m'allonger pour qu'il fasse un test. Il m'appuie délicatement et directement sur un point précis
du bassin. Je fais aussitôt un saut horizonal sur la table de massage. C'est bon j'ai trouvé me dit-il,
tu t'es déplacé le bassin et par réaction les ligaments qui assurent l'attache entre le bassin et la cuisse
ce qui s'est traduit par un déplacement du ligament externe. Je suis heureux qu'il semble avoir trouvé
si vite, alors que dire du plaisir que je ressens lorsqu'à peine 5mn plus tard il m'annonce que c'est
fini et qu'il m'a remis le genou. Petit test et effectivement cela semble miraculeux. Arrive le tour
de ma cheville. Il me demande dans quelles circonstances j'ai ressenti la douleur et à peine mon
explication terminée il m'annonce qu'il sait ce que j'ai et que c'est une pathologie classique sur ce
type d'épreuve. En fait, l'attache de mon pied avec mon tibia s'est avancée sur l'avant pied. Il me
triture le pied dans tous les sens et met bien 20 mn pour me remettre cela. Ma cheville est toujours
enflée mais je peux modérément la bouger. Quelques massages couché sur le dos, puis il me demande
de me mettre à plat ventre. Je m'exécute puis ... la suite de l'histoire m'est racontée par Delphine et
les enfants à mon réveil car je me suis endormi dans les secondes qui ont suivi. Tout le monde est
hilare à mon réveil 40 mn plus tard. Bon OK, je suis tombé comme l'année dernière et comme le gars
d'à côté. J'ai même apparemment copieusement ronflé. Peu importe je me relève en état de marche
et ça c'est bon pour me rendre à la buvette et retrouver Christian pour une Dodo bien fraîche. Elle est
bonne mais ma main doublement entaillée me fait un peu peur car avec toute la boue que j'ai eu sur
les mains, mes plaies ne sont pas belles du tout. Je file aussitôt voir le médecin de la Croix Rouge qui
est à 2 pas. Mes doigts sont enflés et il lui faut 5mn et une ruse de sioux avec un fil pour arriver à m'ôter
mon alliance et me soigner. Les infirmières exécutent les ordres du médecin et me voilà avec d'énormes
pansements à la main. Retour à la buvette puis nous partons tous déjeuner local. Je sens la fatigue
qui me gagne lentement mais surement, car la pression retombe. Heureusement nos discussions
me tiennent en éveil. Nous partons enfin pour retourner à l'appartement. J'arrive avec impatience à la
voiture où s'arrête l'histoire durant 45mn ... Je ne me rappelle même pas avoir vu Delphine démarrer l'auto.
Enfin une belle fin pour cette histoire puisque j'ai réduit ma fièvre de 37h de l'année dernière à 7h grâce
à des cachets judicieusement pris et car je n'ai que les chevilles qui auront gonflé contrairement
à l'année dernière où toutes mes jambes étaient enflées.

Voilà, this is a Happy End !

A+ Ludo le Fou